Rousseau, Confucius et l'intégrité morale.
Rousseau ? Celui qui abandonna ses 5 enfants et se permit d'écrire un "Émile" (un traité d'éducation).
Quand j'étais adolescent (16-18 ans) j'aimais et appréciais Jean Jacques Rousseau pour sa sensibilité. Mes professeurs du lycée m'avaient appris à préférer ce sentimental au pragmatique Voltaire.Et puis avec l'âge adulte et surtout maintenant, que je suis largement fixé dans le 3ème âge, je déteste Rousseau, sans que je sois pour autant devenu fan de Voltaire, ce dernier ne m'intéressant pas.
Cette année 2012 célèbre le troisième centenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau (1712) et le deux-cent-cinquantième anniversaire de la publication d’Emile ou de l’Education (1762).
Ce traité d’éducation a exercé dans les théories pédagogiques un rôle capital. Il reste d'actualité et constitue une référence indispensable dans toute discussion sur la nécessité et la possibilité d’une éducation respectueuse du développement naturel de l’enfant.
L'Emile de Rousseau demeure donc, aujourd’hui encore, un ouvrages phare, très lu et populaire. Même au Japon l'Emile est à la mode dans l'enseignement.
Les quatre premiers livres décrivent l’éducation idéale d’un jeune garçon fictif, Émile, et sont ordonnés chronologiquement, abordant, étape par étape, les questions éducatives qui émergent à mesure qu’il grandit. Le dernier livre traite de l’éducation des filles à partir d’un autre exemple fictionnel : Sophie, élevée et éduquée pour être l’épouse d’Émile.
Il est évident que ce traité d'éducation est génial.
Donc les 5 enfants de Rousseau auraient dû bénéficier d'une éducation formidable ? Quelle chance pour eux !
Fort bien écrit Monsieur Rousseau !
Mais quel faux cul
(ou hypocrite) ce Rousseau !
"Faites ce que je dis pas ce que je fais."
Et ces enseignants qui se gargarisent de ces belles paroles.
Comme disais mon grand père "Il y a des coups de pied au cul qui se
perdent"
Et Confucius ?
Confucius (vers 500 ans avant J.C.) a dit :
L’homme honorable commence par appliquer ce qu’il veut
enseigner ; ensuite, il enseigne.
Cela
supposerait que Jean-Jacques Rousseau ait appliqué les principes qu'il
développe à ses propres enfants ?
Revenons à Rousseau
Voyons, voyons, cela ?
Marie-Thérèse Le Vasseur, née en 1721 à Orléans est une lingère française connue pour sa liaison et son mariage avec Jean-Jacques Rousseau. Il résulte de divers avis autorisés, et de sa vie après le décès de Rousseau, que cette brave épouse "n'avait pas inventé la poudre".Jean-Jacques Rousseau avait trente-trois ans, c’est-à-dire environ neuf ans de plus que Thérèse Le Vasseur, qui en avait vingt-quatre, lorsqu’il se lia avec elle à Paris, en 1745. Celle-ci était ouvrière en linge dans un petit hôtel garni de la rue des Cordiers, que Rousseau avait habité à son premier voyage et où il prenait ses repas depuis qu’il avait résolu de mener une vie indépendante à Paris, et ce fut là qu’il la connut.
Rousseau eut avec Thérèse cinq enfants nés de 1747 à 1755.
Selon Rousseau lui-même, ce fut lui et la mère de Thérèse Le Vasseur qui abandonnèrent ces chérubins aux "Enfants-Trouvés" (Aujourd'hui Assistance Publique).
Ci-dessus : Un couple abandonne un enfant à l'ancien tour de
l'hospice des enfants trouvés (ancêtre de "l'assistance publique").
Le principe est simple : on appelle, on donne l'enfant par la petite
fenêtre de livraison. Et "hop" ni vu ni connu !
Illustration par Gustave Dore tirée de "Le Nouveau Paris, histoire de
ses vingt arrondissements." 1860 / Gustave Dore, dessins et gravures ;
Desbuissons, dessins des cartes. Srce :
http://environnement.ecole.free.fr/
Avoir des enfants et les abandonner est un acte grave qui contrarie toutes les morales et tous les devoirs les plus élémentaires et les plus naturels. Même les animaux (oiseaux et mammifères) prennent un soin attentif de leur progéniture jusqu'à ce qu'elle soit autonome. Si Rousseau, très porté "nature" avait examiné les fourmis et les abeilles il se serait aperçu que ces insectes aussi élèvent soigneusement leur progéniture !!
Rousseau a fait cela en toute conscience, et plus tard il en eut des remords.
« Je m’y déterminai gaillardement sans le moindre scrupule, dit-il, et le seul que j’eus à vaincre fut celui de Thérèse, qui n’obéit qu’en pleurant. »
Dans son ouvrage "Les Confessions" Jean Jacques Rousseau évoque ses enfants. Il estime avoir eu de bonnes raisons sans que l'on sache exactement lesquelles lui ont fait abandonner ses enfants. Il écrit : « Le parti que j'avais pris à l'égard de mes enfants, quelque bien raisonné qu'il m'eût paru, ne m'avait pas toujours laissé le cœur tranquille. En méditant mon Traité de l'Éducation, je sentis que j'avais négligé des devoirs dont rien ne pouvait me dispenser. » ... « Le remords enfin devint si vif, qu'il m'arracha presque l'aveu public de ma faute au commencement de l'Émile, et le trait même est si clair, qu'après un tel passage il est surprenant qu'on ait eu le courage de me la reprocher. ».
Certains ont été jusqu’à dire que Rousseau n’était pas le père des enfants de Thérèse, et qu’il ne l’ignorait pas. Les fans de Rousseau lui ont trouvé mille excuses. On tente toujours d'excuser ceux qu'on aime...
Qu'importe ! Les aveux de Rousseau sont multiples et, sous diverses formes, répètent les mêmes faits : les cinq enfants qu’il avoue avoir abandonnés il les considère comme les siens. Notamment dans les aveux contenus dans ses lettres à Madame de Francueil, à Madame de Luxembourg, à Rose Berthier, à Monsieur de Saint-Germain. Dans les Confessions et les Rêveries, tous ces aveux concordent Rousseau parlant bien de ses enfants.
Il ne suffit pas d'avoir de belles paroles et de beaux écrits, si l'on est incapable de se comporter selon les lois élémentaires de la nature, si chères à Rousseau.
Face aux critiques dont il fit l’objet à cause de cette contradiction entre son œuvre et son comportement, Rousseau tenta en vain de retrouver ses enfants.
Je rejoins Confucius qui écrivait 500 ans avant J.C. et qui exposait déjà le principe qu'un être humain doit appliquer ce qu'il enseigne.
Un auteur a écrit : "Rousseau est par excellence l'homme que l'on discute sans le connaitre".
Victor Hugo dans "Les misérables" mentionne ainsi Rousseau :
"Faites attention. Ceci est la rue Plâtrière, nommée aujourd’hui rue Jean Jacques Rousseau, à cause d’un ménage singulier qui l’habitait il y a une soixantaine d’années. C’étaient Jean Jacques et Thérèse. De temps en temps, il naissait là de petits êtres. Thérèse les enfantait, Jean Jacques les enfantrouvait." ("enfantrouvait" par allusion à la remise des enfants aux "enfants trouvés".).
Une maxime populaire énonce "Faites ce que je dis, pas ce que je fais". Et c'est bien ce que fit Rousseau.
Que l'on soit un esprit théoricien génial, comme l'était Rousseau, je l'admets, mais nul, sous prétexte qu'il est un grand intellectuel et un grand penseur, ne peut s'abstraire des devoirs naturels et des obligations élémentaires qui consistent à assumer certaines réalités concrètes, dictées par le simple "bon sens".
Cet écrivain et philosophe, était instruit (C'était rare à cette époque) il pouvait avec son "bagage" trouver un emploi qui lui aurait permis d'élever ses enfants, au lieu de pérorer dans les salons de la "jet set" et de chercher des "protecteurs" (aujourd'hui "sponsors").
Mais pour cela il lui fallait assumer les contingences matérielles et ses choix de vie et d'amours, ce qui n'était pas le genre de Rousseau grand rêveur sans pragmatisme ni bon sens.
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Est-ce une justice immanente ? Rousseau a terminé sa vie bien tristement dans la solitude et l'isolement. Il souffrait moralement d'un syndrome de paranoïa (peut-être partiellement justifié ?). En effet il était "tracassé" par un complot contre lui et par les multiples et violentes critiques dont il faisait l'objet. Son ennemi Voltaire avait écrit contre lui, en 1764, un pamphlet "au vitriol" et sa maison fut lapidée. La mère de ses enfants Thérèse Levasseur l'a assisté jusqu'à sa fin. Il meurt le 2 juillet 1778, sans avoir achevé sa dernière œuvre.
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A décharge :
Jésus disait "Rendez à César ce qui à César"... Rousseau peut-être considéré, à sa décharge, comme un précurseur des psychologues (et pédo-psychologues) et des psychanalystes. Dans ses confessions et rêveries, ainsi que dans ses correspondances il tente d'expliquer ses problèmes, ses angoisses, sa parano, et même son masochisme, cela c'est déjà de la psychologie et psychanalyse.
Mais il tente aussi de se justifier, de s'excuser, tant envers lui-même qu'envers les autres et cela n'est plus ni psychologie, ni psychanalyse, car ces disciplines n'ont jamais pour objet un jugement moral, mais l'explication d'un état ou d'un comportement.
Son œuvre est intéressante. Est-elle encore moderne comme certains le prétendent ? Personnellement je doute, mais avec respect pour toute opinion contraire.
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Je pense pas que Rousseau mérite une telle célébrité.
Textes de Rousseau
Le texte ci-dessous nous montre comment Rousseau, bien imbu de lui-même, jongle avec les justifications en invoquant des sentiments pour excuser des actes. Hélas pour Rousseau, qui était croyant, "L'enfer est pavé de bonnes intentions.".Les confessions
Justification après l'abandon des enfants (VIII)
Tandis que je philosophais sur les devoirs de l'homme, un évènement vint me
faire mieux réfléchir sur les miens. Thérèse devint grosse pour la troisième
fois. Trop sincère avec moi, trop fier en dedans pour vouloir démentir mes
principes par mes œuvres, je me mis à examiner la destination de mes enfants,
et mes liaisons avec leur mère, sur les lois de la nature, de la justice et de
la raison, et sur celle de cette religion pure, sainte, éternelle comme son
auteur, que les hommes ont souillée en feignant de vouloir la purifier, et
dont ils n'ont plus fait, par leurs formules, qu'une religion de mots, vu
qu'il en coûte peu de prescrire l'impossible quand on se dispense de le
pratiquer.
Si je me trompai dans mes résultats, rien
n'est plus étonnants que la sécurité d'âme avec laquelle je m'y livrai. Si
j'étais de ces hommes mal nés, sourds à la douce voix de la nature, au-dedans
desquels aucun vrai sentiment de justice et d'humanité ne germa jamais, cet
endurcissement serait tout simple. Mais cette chaleur de coeur, cette
sensibilité si vive, cette facilité à former des attachements, cette force
avec laquelle ils me subjuguent, ces déchirements cruels quand il les faut
rompre, cette bienveillance innée pour mes semblables, cet amour ardent du
grand, du vrai, du beau, du juste, cette horreur du mal en tout genre, cette
impossibilité de haïr, de nuire, et même de le vouloir, cet attendrissement,
cette vive et douce émotion que je sens à l'aspect de tout ce qui est
vertueux, généreux, aimable: tout cela peut-il jamais s'accorder dans la même
âme, avec la dépravation qui fait fouler aux pieds, sans scrupule, le plus
doux des devoirs? Non, je le sens, et le dis hautement, cela n'est pas
possible. Jamais un seul instant de sa vie Jean-Jacques n'a pu être un homme
sans sentiment, sans entrailles, un père dénaturé. J'ai pu me tromper, mais
non m'endurcir. Si je disais mes raisons, j'en dirais trop. Puisqu'elles ont
pu me séduire, elles en séduiraient bien d'autres: je ne veux pas exposer les
jeunes gens qui pourraient me lire à se laisser abuser par la même erreur. Je
me contenterai de dire qu'elle fut telle, qu'en livrant mes enfants à
l'éducation publique, faute de pouvoir les élever moi-même, en les destinant
à devenir ouvriers et paysans, plutôt qu'aventuriers et coureurs de fortunes,
je crus faire un acte de citoyen et de père; et je me regardai comme un membre
de la république de Platon. Plus d'une fois, depuis lors, les regrets de mon
coeur m'ont appris que je m'étais trompé; mais, loin que ma raison m'ait donné
le même avertissement, j'ai souvent béni le ciel de les avoir garantis par là
du sort de leur père, et de celui qui les menaçait quand j'aurais été forcé de
les abandonner. Si je les avais laissés à Mme d'Epinay ou à Mme de Luxembourg,
qui, soit par amitié, soit par générosité, soit par quelque autre motif, ont
voulu s'en charger dans la suite, auraient-ils été plus heureux, auraient-ils
été élevés du moins en honnêtes gens? Je l'ignore; mais je suis sûr qu'on
les aurait portés à haïr, peut-être à trahir leurs parents: il vaut mieux cent
fois qu'ils ne les aient point connus.
Mon troisième
enfant fut donc mis aux Enfants-Trouvés, ainsi que les premiers, et il en fut
de même des deux suivants; car j'en ai eu cinq en tout. Cet arrangement me
parut si bon, si sensé, si légitime, que si je ne m'en vantais pas
ouvertement, ce fut uniquement par égard pour la mère; mais je le dis à tous
ceux à qui j'avais déclaré nos liaisons; je le dis à Diderot, à Grimm; je
l'appris dans la suite à Mme d'Epinay, et dans la suite encore à Mme de
Luxembourg, et cela librement, franchement, sans aucune espèce de nécessité,
et pouvant aisément le cacher à tout le monde; car la Gouin était une honnête
femme, très discrète, et sur laquelle je comptais parfaitement. Le seul de mes
amis à qui j'eus quelque intérêt de m'ouvrir fut le médecin Thierry, qui
soigna ma pauvre tante dans une de ses couches où elle se trouva fort mal.
En un mot, je ne mis aucun mystère à ma conduite, non seulement parce que je
n'ai jamais rien su cacher à mes amis, mais parce qu'en effet je n'y voyais
aucun mal. Tout pesé, je choisis pour mes enfants le mieux, ou ce que je crus
l'être. J'aurais voulu, je voudrais encore avoir été élevé et nourri comme ils
l'ont été.
Michel Terrier
29 Janvier 2012. MAJ 21 Juillet 2015 (Mobile Friendly)