La Suisse : Originalités historiques et sociopolitiques.

Réflexions sociopolitiques d'un ex-juriste savoyard à propos de la nation voisine.
Cette page est à but pédagogique et de vulgarisation pour les français.

Peut être un exemple d'organisation pour une Europe fédérale ?

 

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  1. Introduction
  2.  La naissance de la Suisse (Histoire suisse)
  3.  Particularités sociopolitiques helvétiques
  4. Conclusion

 


Introduction

Je suis savoyard, né à Chambéry, capitale de la Savoie.

Seulement à "nonante" kilomètres de Chambéry, capitale historique de l'ancien état souverain de Savoie, commence la Suisse.

La Suisse est un pays, une nation singulière par son histoire.

A l'école nous (Français) avons tous appris comment est née la France, nous nous souvenons tous de Clovis, Roi des Francs, de Pépin Le Bref, Jeanne d'Arc, Henri IV, François Premier, Louis XIV, etc....

Nous avons conscience d'être français, même si nous, Savoyards, ne sommes français que depuis peu de temps (1860).

Nous avons aussi notre histoire d'ancien état souverain et dans cette histoire de la Savoie nous avons eu des conflits avec la Suisse. Nous avons occupé le canton de Vaud, guerroyé avec Genève, etc. ...

Il est intéressant d'examiner, fusse sommairement, la naissance de cette nation limitrophe.

Cet article comprendra 2 parties : 

  1. Comment des enseignants suisses apprennent à leurs élèves la naissance de leur nation.
  2. Particularités sociopolitiques (sommaires) Comment existe une nation qui comprend 4 langues officielles, 2 religions principales, et 23 cantons très décentralisés ayant chacun leur propres traditions et lois internes très diverses.

1) Naissance de la Suisse dans les livres scolaires suisses

Il s'agit d'une reproduction, dument autorisée par leur auteurs (que je remercie sincèrement) Sandro Cesa et Bernard Gasser.

Ces auteurs ont rédigé leurs articles sur mandat de la DICS (département de l'instruction publique, de la culture et du sport) du canton de Fribourg.

Vous retrouverez ce texte sur le site Fristoria:

Fristoria est un site collaboratif qui souhaite mettre à disposition des enseignant-e-s et des élèves des CO fribourgeois, des ressources pour découvrir l'histoire fribourgeoise et suisse.

L'adresse email de l'administrateur du site (Bernard Gasser) est bernard.gasser@fr.educanet2.ch

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(1) Histoire : naissance de la Suisse en 1291

La naissance de la Confédération suisse

Histoire suisse

  Deux versions pour une naissance

Version 1 : Juillet 1291, le protecteur des Waldstätten meurt. L’avenir est incertain. Les représentants d’Uri, de Schwyz et d’Unterwald signent un pacte, au début aout 1291 : ils promettent de s’entraider en cas d’attaque ; de régler leurs différends par arbitrage et de punir d’une même façon les criminels, les incendiaires et les voleurs. On espère ainsi garantir la paix et maintenir le pouvoir en place. Ce pacte – appelé Pacte fédéral - est considéré comme l’acte de naissance de la Confédération suisse.

Image : La mère patrie Helvétie danse avec ses filles, les cantons, sur la prairie du Grütli.

Version 2: Nos ancêtres, les Waldstätten, vivent sous l’autorité de cruels baillis qui les punissent aux moindres faux-pas. Ainsi Guillaume Tell est-il condamné à tirer une flèche dans la pomme posée sur la tête de son fils pour n’avoir pas salué le chapeau du bailli Gessler. Las d’être humiliés, ils se rencontrent clandestinement sur la prairie du Grütli le mercredi avant la Saint-Martin 1307 (8 novembre). Ils prêtent serment de délivrer le pays de la servitude. On ne se contente pas de paroles : on passe aux actes. Avertis par des feux sur les collines, les Waldstätten s’emparent des châteaux, les brulent et chassent les baillis. Cette terre ainsi libérée va s’élargir progressivement autour du noyau des Waldstätten, jusqu’à devenir le pays dans lequel nous vivons aujourd’hui.

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Deux versions contestées

Version 1: Le Pacte fédéral n’a sans doute pas été écrit en 1291. On ne sait rien de son auteur, sans doute un scribe ou un moine cultivé de Schwyz. Le Pacte est un collage : le rédacteur s’est appuyé sur différents modèles qu’on retrouve dans les chartes du Moyen-âge. Il semble qu’il n’ait pas eu le temps de se relire : fautes d’orthographe ; omissions de mots ; écriture peu  soignée. Le lieu et la date de la rédaction du Pacte, conservé au Musée des Chartes de Schwyz, sont inconnus. Il est possible que la version latine, considérée longtemps comme l’original, ne soit que la traduction de l’authentique original rédigé en allemand vers 1400.  La première mention officielle du Pacte date de 1724.

Jusqu’au 19e siècle, c’est le pacte de Brunnen de 1315 qui apparaissait comme le premier pacte signé entre les Waldstätten .


Version 2: L’existence de Guillaume Tell est contestée. Sa légende prendrait naissance au Danemark où Toko aurait réalisé les mêmes exploits mais au 11e siècle déjà.

Il n’existe aucune trace, aucune preuve officielle ou archéologique du serment du Grütli ni du soulèvement des Waldstätten contre les cruels représentants des Habsbourg. Le serment sur la prairie du Grütli, le soulèvement contre les affreux baillis ou la destruction des châteaux n’apparaissent qu’en 1470 dans le Livre blanc de Sarnen.


Que s’est-il vraisemblablement passé en 1291 ?

En aout 1291, les hommes de quelques familles riches, cultivées et influentes décident de se réunir. Jusqu’à ce jour, les historiens ne connaissent ni les conditions précises (lieu, date, personnages en présence), ni les motifs de cette rencontre. Les représentants de ces familles concluent probablement par oral un accord en vue de faire régner l’ordre et de s’assurer le pouvoir dans les pays d’Uri, de Schwyz et de Nidwald.

Plus tard, à une date inconnue et pour des raisons que l’on ignore, ces hommes décident de fixer par écrit le contenu de cet accord. Ils trouvent un scribe ou un moine qui donne une tournure officielle à leur pacte sans doute pour le présenter à une haute autorité qui leur en fait la demande.

Le Pacte fédéral de 1291 est donc un accord de défense comme on en trouve en grand nombre au Moyen-âge. Ce n’est qu’au 19e siècle que le Pacte sera considéré comme « la mère de la patrie ».


Deux versions qui n’en font plus qu’une

La prairie du Grütli

En effet, au 19e siècle, la Suisse moderne, qui vient de naitre, se cherche des origines prestigieuses. Elle met sur pied des cérémonies commémoratives qui devaient souder l’opinion publique. C’est à l’occasion des festivités du 600e anniversaire de la Confédération en 1891 que l’on fixe au 1er aout le jour de la Fête nationale, que le Pacte fédéral est déclaré “acte d’origine du pays et que les Guillaume Tell, Walter Stauffacher et autres rebelles réunis sur la prairie du Grütli sont vénérés comme les héros fondateurs.


  Ne faut-il plus raconter l’histoire de Guillaume Tell ?

Comme symbole du courage et de la dignité de l’individu aspirant à la liberté, Guillaume Tell a tout à fait sa place dans notre histoire.

Mais la question est plutôt ce que l’on fait de cet être de légende. En voici quelques exemples. Pour les uns, il est le protecteur armé défenseur de la patrie contre l’invasion étrangère; pour d’autres, il est celui qui se révolte contre toutes les injustices qui mettent à mal les droits de l’homme. On le retrouve ainsi entre autres sur les affiches de l’UDC, du parti socialiste, des défenseurs de l’armée et des adeptes du service civil ! On en a même fait le symbole de la qualité des produits suisses.

Guillaume Tell fait bien partie de l’Histoire de notre pays et de sa vie politique.

Affiches concernant :  le service civil,1984 et la fête du tir à Bümpliz, 1912

 -Sources et images :

Les sources et images sont consultables sur le site :

Fristoria : http://www.friportail.ch/

Auteur :B. Gasser, bernard.gasser@fr.educanet2.ch
Mandant DICS
Expertise scientifique Francine Rey et Pierre-Philippe Bugnard
Expertise pédagogique Patrick Minder
Date de la dernière modification 8.04.09
Copyright Friportal, Fribourg 2009


2) Particularités sociopolitiques de la Suisse

 

Qu'est ce qu'une nation ? Réflexions sommaires.

Il ne faut pas confondre les termes "peuple" qui est une notion sociologique, avec "nation" qui est une notion politique, ni avec "état" qui est une notion juridique et administrative, ni avec "patrie" qui est une notion philosophique ou affective.

C'est d'abord sur le concept "nation" que nous réfléchirons.

Ce concept a fait l'objet de discussions et théories interminables.

Pour être simples nous reprendrons nos anciens cours français de sciences humaines (sur la nation civique) qui énonçaient qu'une nation est composée de 3 éléments indispensables :

  1. Un peuple (ou des peuples).
  2. Un territoire.
  3. Un consensus.

Examinons ces conditions de façon simpliste :

1) Un peuple ?

Un peuple est un ensemble d'individus, de familles, de tribus, et de groupes qui partagent des traditions, des mœurs, une culture et une histoire commune.

Toutefois une nation peut être constituée de plusieurs peuples, mais une nation ne peut guère s'imaginer sans au moins un peuple.

2) Un territoire.

Cette notion est la plus simple et ne mérite que peu de développements.

3) Un consensus   La clef magique

L'historien Renan (1823-1892) nous donne une définition pratique du consensus avec sa théorie volontariste quand il écrit : la libre décision d'individus choisissant de s'associer pour un destin collectif, Renan écrit aussi : Une nation est une âme; un principe spirituel. Disons que le consensus c'est la volonté de vouloir vivre et s'organiser ensemble.

Ce concept est la clef maitresse de toute nation.

Vous remarquerez qu'il n'est pas fait mention d'une langue ou religion unique...


Toutes les nations évoluent au fil de l'histoire, elles peuvent se disloquer, disparaitre et apparaitre. La notion de nation n'est pas statique mais évolutive. Par exemple en 2014 la nation Ukraine est instable. La nation Algérie a commencée à se former à partir de 1930 et surtout en 1947. La nation Israël date de 1947. La nation tchécoslovaque a éclatée en 1992. La nation belge parait instable (Flamands, Wallons et Bruxellois).

Problème politique : 2014. Entre le principe européen du maintien des frontières des états-nations ? et le "droit des peuples à disposer d'eux mêmes" il existe une terrible contradiction politique.
La crise de 2014 en Ukraine est un exemple pertinent de cette contradiction. Faut-il soutenir un ordre établi ou laisser évoluer ? (Sachant que dans ces affaires, il y a toujours des influences étrangères, des propagandes et des manipulations)
La Corse française avec son peuple corse (dont une partie revendique l'indépendance) est un autre exemple ?
Le monde entier fourmille d'exemple semblables, très sensibles...

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Et l'état ? C'est quoi ?

L'état c'est l'organisation administrative et la personnalisation morale d'un pouvoir sur un territoire : hiérarchies, assemblées élues ou non, armée, impôts, administration diverses, lois. Il existe des états sans nation(s). L'ex Yougoslavie était un état qui regroupait sous le même pouvoir politico-administratif différentes nations et peuples : Serbes, Croates, Slovènes, etc... Idem pour l'ex URSS.

Un état peut donner naissance à une nation. L'état belge existe mais la nation belge (2 peuples : Flamands et Wallons) est instable voire discutable. En France on admet souvent le mot état-nation car en France (état unitaire) nation et état coïncident (à peu près...).

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Et la patrie ? C'est quoi ?

La patrie, étymologiquement "le pays des pères", quoique appelée "la mère patrie", serait le pays ou la nation pour lequel nous serions prêts à nous sacrifier parce qu'elle contient notre identité. La patrie peut aussi s'entendre comme le pays que l'on élit pour y faire sa vie. La patrie est une notion philosophique affective et identitaire. La patrie n'est pas synonyme de nation en science politique.

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Conclusion sur la "nation" suisse.

 

diversité

Au regard de ces éléments vous comprendrez que la Suisse représente un cas particulier, son territoire est nettement fixé, mais la diversité de ses cantons rend la notion de peuple(s) très floue. Car ces cantons sont des entités insuffisantes, quantitativement, pour dire qu'il s'agit de peuples ou de nations : Il apparait difficile de dire : le peuple genevois, la nation genevoise, le peuple bernois, la nation bernoise, etc...

Et pourtant le consensus (clef du système de la nation en sciences humaines) existe et chaque ressortissant suisse a bien une parfaite conscience d'être suisse, il existe un nationalisme helvétique. Disons que l'élément consensus est prédominant et suffit à l'unité de la Confédération helvétique, qui dure depuis plus de sept siècles. a Suisse est une "agrégation" (ou un agrégat") 

désigne l'action d'agréger, de regrouper des éléments (le mot a pour origine le latin aggregatio qui signifie réunion d'éléments). Le verbe latin aggregare signifie rassembler un troupeau. Et ce en toute démocratie, avec des éléments de démocratie directe comme les référendums d'initiatives populaires. C'est cet élément "consensus" qui permet de dire sans erreur "le peuple suisse", "la Patrie suisse", la "nation suisse"...

Donc malgré cette apparence originale la Suisse est, bel et bien, une vraie nation, organisée en état souverain de type fédéral, qui bénéficie de l'un des plus hauts niveaux de vie du monde. En somme ! Que la Suisse soit constituée d'un ou de plusieurs peuples (un notion chère aux juristes et sociologues français qui aiment tout classifier, rationaliser) n'a pas une grande importance puisque le résultat "nation" existe.

Ajoutons que la Suisse constitue une agrégation efficace puisqu'en 2013 elle avait le deuxième plus haut pouvoir d'achat européen, continental, par habitant avec 36.351 euros par habitant (Après le Lichtenstein).

En 2013 la fière France est en neuvième position, juste derrière l'Allemagne, avec 19.565 euros par an et habitant. La France n'a seulement que 54% du pouvoir d'achat suisse.

12.5.2014
Les Suisses ont le 2e meilleur pouvoir d'achat d'Europe
CLASSEMENT — Loin derrière le Liechtenstein mais devant tous les autres pays du continent, la Suisse affiche le meilleur pouvoir d'achat d'Europe pour ses habitants, selon une étude comparative menée par le cabinet GfK.
http://www.lematin.ch/
economie/suisses-
2e-meilleur-pouvoir-achat-deurope/story/31616476

Toutefois, la Suisse, comme tout état fédéral, et comme toute nation, a aussi ses problèmes mais ce n'est pas notre sujet.

Certains sociologues politiques pensent que l'histoire suisse préfigure l'Europe de demain : Des peuples, des nations, des entités humaines, ayant envie de vivre ensemble et de s'organiser, malgré leur diversité. Comme le firent au fil des siècles les cantons suisses...

La Suisse est peut-être un exemple à suivre pour l'Europe ?

Rendez-vous dans combien de décennies ou de siècles pour l'Europe ????

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Michel Terrier

lundi 12 Mai 2014. MAJ 22 Juillet 2015 (Mobile Friendly)